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April 29, 2020
BILBoard avril 2020 – La tempête avant le calme
Dans le BILBoard du mois dernier, nous vous avions présenté la version révisée de notre scénario de base pour 2020 tenant compte de la crise due au coronavirus. En résumé, nous prévoyons une profonde récession provoquée par les mesures des autorités publiques tout au long du deuxième trimestre, et empiétant sur le troisième trimestre. Par la suite, sous le déluge de mesures de relance prises par les gouvernements et les banques centrales, et à mesure que les restrictions de déplacement sont levées, les économies devraient commencer à se stabiliser. Bien évidemment, un tel scénario doit être pris avec prudence compte tenu de la nature sans précédent de la crise.
Macro: un deuxième trimestre dans l’abîme
Alors
que les gouvernements sont en train de déterminer comment elles vont pouvoir
relancer leurs économies, une grande partie de la population mondiale est
encore confinée. L’impact de cette situation va commencer à apparaître brutalement
dans les données macroéconomiques, et la dégradation de ces dernières devrait
être maximale en mai. Or, le tableau, certes parcellaire , que nous avons sous
les yeux est catastrophique. Les PMI ont dévissé, traduisant l’impact
dévastateur de la pandémie sur la demande et l’activité économique, notamment
dans le secteur tertiaire, avec les activités de tourisme et des loisirs hors jeu jusqu’à nouvel ordre.. Jusqu’à
présent, le recul de la consommation avait été partiellement amorti par les
achats alimentaires et ceux effectués sous l’emprise de la panique, mais cet
effet va probablement s’essouffler et la gravité réelle du choc de la demande
va apparaître clairement dans les prochaines publications de données
macro-économiques.
L’absence d’événement comparable dans l’histoire fait
qu’il est difficile d’estimer quel sera le degré de gravité de la crise – une
situation décrite par le professeur Yossi Sheffi du MIT comme le « principe d’Anna Karénine »,
paraphrasant Tolstoï lorsqu’il déclare que « toutes les économies
heureuses le sont de la même manière, les économies malheureuses le sont
chacune à leur façon. » Lorsque nous nous penchons sur l’environnement
actuel marqué par un choc simultané de l’offre et de la demande, des tensions
sur les liquidités et une crise sanitaire, nous pourrions nous baser sur
l’expérience de la grippe espagnole, de la grande dépression, de la crise de
2008, voir sur celle de la Chine avec le coronavirus, mais cela présenterait un
intérêt limité vu les disparités entre les contextes sociaux, économiques,
technologiques et politiques. Il n’existe pas deux crises identiques, chacune
s’accompagne de ses propres effets en cascade, ce qui signifie que nous devons
faire face tout autant à des « inconnues connues » qu’à des
« inconnues inconnues », et ce sont ces dernières qui sont
susceptibles de rendre toute tentative de prévision inutile.
Alors
que le soutien des gouvernements et des banques centrales est quasiment
« inconditionnel », les principales « inconnues connues »
sont d’ordre comportemental et épidémiologique. La renaissance économique
post-confinement va dépendre du comportement des consommateurs et des
entreprises. Les consommateurs vont-ils vouloir que les choses redeviennent
comme avant ? Les données fondamentales devraient afficher une certaine
inertie étant donné que les mesures de confinement seront levées
progressivement afin de prévenir une seconde vague de contaminations. De plus,
la hausse du chômage devrait porter un coup au moral des consommateurs. En
dépit des mesures fiscales (comme par exemple, le US CARES Act ou le programme
SURE de l’UE) tentant de contenir les pertes d’emplois, les entreprises
licencient. Vingt-six millions d’Américains se sont inscrits pour recevoir des
allocations de chômage,au chômage, de la dynamite qui va faire exploser le taux de chômage
d’avril, publié le 8 mai. Reste à
savoir si les entreprises vont réembaucher les personnes qu’elles ont
licenciées.
Sur
le front épidémiologique, les principales inconnues sont le rebond potentiel du
nombre de nouveaux cas, l’efficacité des tests et leur déploiement, et enfin la
durée de développement d’un vaccin et les conditions d’un traitement à large
échelle. Si l’on s’en tient uniquement aux « inconnues connues » et
aux effets de base, le PIB ne devrait pas retrouver son niveau de
décembre 2019 avant 2022.
Actions
Même
si chercher à analyser ce que sera le deuxième trimestre équivaut à regarder
dans un trou noir, les prix des actions semblent avoir dépassé l’incertitude
économique qui s’annonce et anticiper une reprise en forme de V. Le récent
rebond d’environ 25% semble être dû à un cocktail de spéculations, d’espoirs et
de tweets plutôt qu’à une raison tangible et, même si nous avions affirmé
précédemment que les marchés allaient rebondir bien avant l’économie, cette
embellie est peut-être un peu prématurée.
Dans
le même temps, les analystes n’ont pas tardé à revoir à la baisse leurs
prévisions de bénéfices, mettant les valorisations quelque peu sous tension
(les niveaux actuels sont ceux de février avant que la crise ne prenne plus
d’ampleur). Il est peu probable que la saison de publication des bénéfices redonne
de la visibilité aux investisseurs, avec les entreprises supprimant leurs prévisions pour 2020 . Avec une telle
incertitude, nous ne serions guère surpris d’assister à une nouvelle flambée de
la volatilité.
Jusqu’à
ce que nous puissions y voir plus clair, nous maintenons notre positionnement
neutre en actions, satisfait du panier d’actions de qualité que nous avons
sélectionnées et ajoutées à nos portefeuilles avant Pâques, qui comprend des
entreprises bien capitalisées affichant un bilan solide et un faible
endettement, prêtes à surmonter l’orage du deuxième trimestre. Au niveau des
régions, nous restons focalisés sur les États-Unis, car on y enregistre plus d’actions
de croissance séculaire, alors que l’Europe est plus biaisé sur des
actions de valeur. Nous maintenons également une très légère surpondération des
Marchés émergents (principalement la Chine, qui remet son économie en marche
après avoir contrôlé la pandémie).
Marché obligataire
Tout
les typologies d’obligationssont, aujourd’hui,soutenues par les banques
centrales de manière directe ou indirecte. Les engagements renouvelés de la BCE
et de la Fed envers le crédit ont changé la donne sur les marchés : les
investisseurs sont revenus en masse et le marché des nouvelles émissions est de
nouveau bien actif. Ces deux banques centrales achètent des obligations
d’entreprises à tout va, même des « anges déchus », qui sont des
valeurs Investment Grade rétrogradées en obligations spéculative.
Dans
le segment des obligations d’État, la volatilité s’est normalisée, mais les
investisseurs sont toujours en train d’évaluer les perspectives d’émissions
plus élevées par rapport à celles d’une aggravation des déficits budgétaires.
Cet état de fait met l’accent sur le besoin croissant d’être actif sur le
marché de la dette souveraine ; nous avons déjà ajusté les d’obligations
d’État en notre possession afin d’amortir le risque lié aux actions, nous
détournant des obligations d’États de la périphérie européenne pour privilégier
leurs homologues des États « core » européens, avec une duration
équivalente à celle de notre indice de référence. Nous disposons également
d’obligations indexées sur l’inflation qui seront utiles si les craintes
relatives aux financement des déficits
publiques par les autorités monétaire s’intensifient.
Nous
restons surpondérés sur les obligations Investment Grade (IG) : les
banques centrales ayant endigué l’hémorragie de mars, les valeurs d’entreprises
de qualité disposent d’arguments d’investissement solides. Après nous être
tournés vers les bons du Trésor américains le mois dernier, nous faisons de
même au sein de notre exposition aux obligations d’entreprises, délaissant partiellement
les crédits européens pour leurs équivalents américains, si bien qu’environ 20%
de notre allocation globale au crédit concerne désormais les titres IG en USD
(couverts en EUR). Si le marché européen du crédit est indubitablement porté
par la BCE, le soutien de la Fed est encore plus fort, puisqu’elle va jusqu’à
acheter des ETF à haut rendement. Conséquence du rôle de gardien joué par la
Fed ? Le rendement total du segment IG américain est positif depuis le
début de l’année, alors que la baisse des spreads IG en EUR a été plus modeste.
Même
si les banques centrales achètent dans les catégories de qualité supérieure des obligations à haut rendement des deux
côtés de l’Atlantique (la BCE n’est pas intervenant direct, mais accepte des
« anges déchus » comme collatéral des ses opérations de prise en
pension), nous restons à l’écart de ce segment, car nous pensons que le risque
n’est pas récompensé de manière suffisante. De même, nous restons réticents en
ce qui concerne la dette des marchés émergents. Nous justifions ces deux
positions par les plus bas atteints par le prix du pétrole, les prix des
futures ayant mêmes été négatifs de manière temporaire. Les sociétés
énergétiques représentent une partie importante du marché de la dette
spéculative américaine, et le pétrole constitue un bien d’exportation majeur pour
de nombreuses régions des marchés émergents.
Dans l’ensemble, il ne faut pas se faire d’illusions : nous ne sommes pas sortis d’affaire. Certes, « après la pluie, le beau temps », mais les données inquiétantes de ce mois vont faire pale figure par rapport aux chiffres à venir qui seront vraisemblablement bien pire encore. Afin de réussir à traverser ce contexte tumultueux pour nos investissements, nous devons adopter une attitude posée, contemplative et logique et rester concentrés sur nos objectifs à long terme. Pour citer une nouvelle fois Tolstoï : « Les deux guerriers les plus puissants sont la patience et le temps. »
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