janvier 29, 2024
BILBoardBILBoard Janvier 2024 – Sommes-nous déjà arrivés à destination ?
- La Fed et la BCE ont achevé leurs cycles de hausse des taux.
- Le cycle d'assouplissement sera probablement initié par la Fed (mais pas dès le mois de mars, comme les marchés le prévoient actuellement).
- La BCE a quant à elle laissé entendre que la première baisse de ses taux pourrait intervenir à l'été. L'évolution des données économiques sera déterminante à cet égard.
- Les baisses de taux interviendront dans un contexte de ralentissement de la croissance économique, ce qui signifie que moins d'entreprises seront en mesure d'annoncer des résultats conformes aux attentes. La qualité est primordiale et il conviendra de mettre l'accent sur les valeurs qui profiteront des bouleversements structurels à long terme.
Au cours de 2023, les marchés ont été largement influencés par les spéculations sur le moment auquel les banques centrales des pays occidentaux commenceraient à assouplir leur politique monétaire. Une mini crise bancaire aux USA, le recul de l'inflation et certaines statistiques économiques moins bonnes que prévu ont donné aux investisseurs le sentiment que l'amorce du cycle tant attendu de baisse des taux directeurs n'était plus très loin. Toutefois, à l'instar des applications de navigation GPS qui, lorsqu'il neige, ne cessent de repousser l'heure d'arrivée estimée, la bonne tenue des marchés de l'emploi et de la consommation ainsi que l'inflation persistante des services sont autant de facteurs qui ont allongé la durée du trajet sur la route de la baisse des taux.
En 2024, alors que nous sommes toujours sur cette route, le marché se comporte comme l'enfant assis sur la banquette arrière de la voiture, demandant toutes les cinq minutes si l'on est déjà arrivé et détachant sa ceinture avant même de parvenir à destination. Les banques centrales (les parents sur le siège conducteur) réclament de la patience, conscientes du danger que représente une diminution trop rapide des taux d’intérêt. En effet, dans les années 1970, lorsque les banquiers centraux ont assoupli trop vite la politique monétaire, l'inflation est repartie à la hausse et il a fallu des années pour en reprendre le contrôle.
En ce mois de janvier, plusieurs banquiers centraux se sont efforcés de tempérer les spéculations du marché sur l'imminence d'une baisse des taux directeurs pied au plancher.
À Davos, Christine Lagarde a admis qu'à moins d'un nouveau choc majeur, les taux de la BCE ont effectivement atteint leur point culminant. Néanmoins, elle a également déclaré que le pari des investisseurs sur une baisse des taux dès le printemps « n'aide pas » la BCE dans sa croisade contre l'inflation. Et par ailleurs, elle a ajouté que la BCE devrait rester restrictive « aussi longtemps que nécessaire » pour être certaine que l'inflation restera sur la trajectoire de son objectif de 2%. Cela impliquera de surveiller étroitement l'évolution des salaires (qui, contrairement à la situation observée aux États-Unis, n'ont pas encore atteint leur point culminant), des marges bénéficiaires, des prix de l'énergie et des chaînes d'approvisionnement dans les mois à venir. Le procès-verbal de la réunion de la BCE du mois de décembre a montré que les baisses de taux n'étaient pas à l'ordre du jour. De plus, Christine Lagarde a laissé entendre que la première baisse de taux interviendrait probablement à l'été et nous pensons que les marchés devraient en tenir compte.
Aux États-Unis, la Fed semble également avoir achevé son cycle de relèvement des taux et laisse entrevoir un assouplissement modéré en prévoyant trois baisses en 2024.Toutefois, le marché prévoit jusqu’à six baisses de taux sur la même période, commençant au plutôt dès le mois de mars. À notre sens, cette prévision est bien trop optimiste et risque d'être décevante. Une baisse aussi marquée des taux impliquerait une récession, un scénario qui ne cadre pas avec les données macroéconomiques publiées. La gouverneure Michelle Bowman a averti que « le récent assouplissement des conditions financières risque de favoriser une réaccélération de la croissance (...) voire un regain d'inflation ».
Les banques centrales devraient donc continuer de tempérer les spéculations sur la baisse des taux directeurs et tout indicateur macroéconomique meilleur que prévu sera perçu comme un frein à un changement de politique monétaire (comme ce fut le cas lorsque les chiffres de l'inflation au Royaume-Uni et aux États-Unis ont dépassé les attentes), alimentant la volatilité sur les marchés.
Lorsque les baisses de taux deviendront réalité, les investisseurs devront garder à l'esprit qu'elles pourraient s’accompagner d'un ralentissement de la croissance. L'année 2024 marquera l'heure de vérité : les banques centrales seront-elles parvenues à maîtriser l'inflation sans provoquer l'atterrissage brutal de la croissance ? Nous ne le saurons qu'après coup, compte tenu des 18 à 24 mois de décalage entre les mesures de politique monétaire et leur impact sur l'économie réelle. Alors que le scénario d'un atterrissage en douceur semble de plus en plus probable aux États-Unis, la croissance pourrait être deux fois moins élevée qu'en 2023. Dans la zone euro, l'économie pourrait avoir déjà basculé dans une récession peu profonde et ne devrait enregistrer, dans le meilleur des cas, qu'une très faible croissance.
Concernant Chine, la situation macroéconomique reste difficile. Le déclin du secteur immobilier est dans sa troisième année, la pression déflationniste perdure et la guerre des prix qui fait actuellement rage dans des secteurs clés (voiture électrique et nouvelles technologies énergétiques) affaiblissent les marges des entreprises. Jusqu'ici, les mesures prises par le gouvernement n'ont guère stimulé la demande et, par ailleurs, la trajectoire de l'économie dépendra largement des nouvelles mesures de relance.
Enfin, les tensions géopolitiques globales continuent à ajouter de l'incertitude économique. La perturbation du trafic maritime en mer Rouge n'est pas sans conséquences sur les chaînes d’approvisionnement. Par exemple, Tesla va interrompre la production de son usine en Allemagne en raison de retards de livraison de composants. Il conviendra en outre de surveiller de près les répercussions potentielles sur la croissance et l'inflation, compte tenu notamment du volume considérable de produits pétroliers qui transitent par cette région et de la situation énergétique toujours fragile de l'Europe.
Autant d'éléments qui laissent présager un contexte difficile pour les actifs risqués.
Stratégie d’investissement
- Réduire davantage l'exposition aux actions européennes au profit des actions américaines.
- Diminuer l'exposition aux actions chinoises, qui font désormais l'objet d'une sous-pondération.
- Prendre quelques bénéfices sur les obligations investment grade : affecter le produit aux liquidités et aux obligations américaines à haut rendement.
- Gérer activement la duration, identifier les occasions d'engranger des rendements.
Actions
Pour les investisseurs en actions, le moteur des performances sera plus que jamais déterminé par les bénéfices des entreprises. Cependant, avec le ralentissement de la croissance, celles-ci auront plus de mal à répondre aux attentes concernant leurs résultats. Nous pensons que les États-Unis sont les mieux armés sur ce front : d'une part, les anticipations de bénéfices ont diminué dernièrement, ce qui met la barre un peu moins haut pour les entreprises. D'autre part, cela met en évidence une conjoncture macroéconomique plus robuste. Par ailleurs, la région offre une exposition sans égal aux thèmes structurels que sont l'intelligence artificielle, la numérisation et le cloud, lesquels devraient continuer à galvaniser les marchés.
Compte tenu de ce qui précède, nous avons décidé de prendre nos bénéfices sur notre exposition aux actions européennes afin d'accentuer la surpondération des États-Unis. À noter que la protection à la baisse ajoutée en décembre (qui porte sur la moitié de notre exposition aux actions américaines à ce moment-là) a été maintenue. Avec un peu de chance, nous n'aurons pas besoin de ces airbags mais il est bon de savoir que l'on peut compter sur eux.
Autre modification de notre exposition aux actions : nous avons diminué notre allocation à la Chine, qui fait désormais l'objet d'une sous-pondération compte tenu de la persistance d'une conjoncture macroéconomique morose.
En ce qui concerne le style, une approche asymétrique se justifie, consistant à équilibrer une exposition aux segments plus agressifs du marché, tels que les technologies de l'information, et des positions plus défensives, comme les services d'utilité publique et la consommation de base. Dans l'ensemble, nous suggérons une approche bottom-up visant à identifier les entreprises de qualité aux bénéfices relativement stables.
Marché obligataire
Sur les marchés obligataires, nous avons passé les douze derniers mois à accroître la duration et le potentiel de génération de rendement. Cette approche s'est avérée payante lors du rapide réajustement des prix de décembre. Aujourd'hui, alors que les attentes au sujet du calendrier et de l'ampleur des baisses de taux fluctuent au gré de la communication des banques centrales, des données macroéconomiques, des espoirs et des craintes, l'heure est, selon nous, venue d’adopter une gestion plus active de la duration avec une approche plus opportuniste.
Dans cette optique, nous avons pris une partie de nos bénéfices sur nos positions en obligations investment grade (IG) que nous avons réinvestie, en partie, dans des liquidités, dont le rendement est comparable à celui que l'on peut aujourd'hui obtenir dans le segment IG. À noter que dans l'ensemble, nous sommes toujours optimistes à l'égard de ce dernier, qui fait l'objet d'une surpondération, car l'offre est importante mais la demande l'est tout autant à en juger par la sursouscription des émissions obligataires. Dans un même temps, les bilans des entreprises y apparaissent suffisamment solides pour faire face à un ralentissement macroéconomique.
Le reste du produit des cessions d'obligations IG a servi à renforcer notre exposition aux obligations spéculatives d'entreprises américaines afin de profiter de leur rendement attrayant. Nous avons une nouvelle fois fait le choix des États-Unis où la conjoncture économique est plus porteuse mais aussi parce que le mur de refinancement y est moins préoccupant. De plus, nous redoutons toujours une augmentation des taux de défaut en Europe où la croissance est atone et où l'assouplissement monétaire interviendra probablement plus tard qu'aux États-Unis. Lors de la sélection des instruments, nous avons mis l'accent sur les obligations spéculatives américaines de meilleure qualité (notées B et BB).
Conclusion
Il reste encore un peu de chemin pour parvenir au cycle d'assouplissement monétaire et, d'ici à ce que nous arrivions à destination, il faut s'attendre à une certaine volatilité le temps que le marché ajuste et réajuste ses calculs de vitesse, de distance et de durée. Dans ce contexte, il faudra faire preuve de patience mais aussi d'opportunisme, notamment sur les marchés obligataires où les fluctuations de cours pourraient créer pour les investisseurs de belles opportunités d'engranger des rendements attrayants à long terme.
Grille d'allocation d'actifs
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