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juin 3, 2024

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La situation énergétique en Europe est-elle sous contrôle?

Avant l’invasion de l’Ukraine en février 2022, la Russie se taillait la part du lion des importations énergétiques européennes. Le pays fournissait 28% des importations totales de pétrole brut et 44% des importations de gaz du continent. L’éclatement de la guerre et les sanctions imposées en réaction ont entraîné une importante pénurie au niveau de l’offre et un choc sur le marché mondial qui ont fait flamber les prix. Quelle est la situation énergétique de l’Europe aujourd’hui?

Les cuves sont pleines… pour combien de temps?

Des signes clairs laissent penser que la pénurie d’énergie en Europe est en train de s’atténuer. Le Vieux Continent est sorti de l’hiver 2023-2024 avec des stocks de gaz à des niveaux record (59% de remplissage), tandis que les prix de gros ont considérablement diminué. La dynamique actuelle suggère que l’UE atteindra son objectif de remplir ses installations à 90% bien avant la date limite de novembre. Malgré les tensions géopolitiques persistantes, le prix du brut s’est lui aussi inscrit en baisse et avoisine actuellement 80USD/baril.

Source: Bloomberg, BIL

Différents facteurs ont contribué à l’amélioration de la situation énergétique européenne. Le premier, un climat exceptionnellement doux, peut être assimilé à de la chance. En ce qui concerne le gaz, le deuxième facteur en jeu est la baisse de la demande. L’année dernière, les pays européens ont consommé 20% de gaz naturel de moins que la moyenne de la période 2019-2021. [1] La demande industrielle a été particulièrement déprimée et n’a pas encore montré de signe de reprise. La demande des ménages est quant à elle très saisonnière et les variations de la demande dépendent des températures. Le troisième facteur clé est la réactivité dont ont fait preuve les responsables politiques en vue de sécuriser des sources d’énergie alternatives. Par le passé, les pays européens comptaient essentiellement sur les approvisionnements par gazoduc pour répondre à leurs besoins et absorbaient les excédents d’offre de gaz naturel liquéfié (GNL) lorsque son prix était raisonnable. Aujourd’hui, l’Europe a rejoint la Chine et le Japon au rang des grands importateurs de GNL, avec des importations en hausse de près de 60% en 2022 par rapport à l’année précédente. Cela a nécessité des investissements significatifs afin de développer des infrastructures de regazéification qui permettront à l’UE de continuer à recourir au marché du GNL à l’avenir.

En ce qui concerne l’origine du gaz, les États-Unis sont devenus le premier fournisseur de l’Europe. Alors que les exportations américaines totales de GNL n’ont augmenté que de 10% en 2022 en raison de contraintes d’approvisionnement, les flux à destination de l’Europe ont plus que doublé (+140%).

S’agissant du pétrole, la baisse des importations de brut de Russie a été compensée par la hausse des approvisionnements auprès des partenaires traditionnels, tels que l’Arabie saoudite, les États-Unis et la Norvège, et d’autres qui le sont moins, à l’image du Brésil et de l’Angola.

L’énergie nucléaire a également joué un rôle pour combler le déficit d’offre. En 2023, la France est devenue un exportateur net d’électricité. Son premier nouveau réacteur depuis 25 ans devrait par ailleurs être connecté au réseau cet été et le pays prévoit d’en construire au moins six autres vers la fin des années 2030.

À court terme, la combinaison de ces facteurs a permis à l’Europe d’éviter le scénario du pire, à savoir une grave pénurie d’énergie qui aurait nécessité des mesures extrêmes, comme un rationnement.

Des fragilités subsistent

Toutefois, considérée dans son ensemble, la situation énergétique de l’Europe est loin d’être confortable. Le continent est désormais tributaire des marchés mondiaux, lesquels sont vulnérables aux chocs au niveau de l’offre, voire aux menaces de choc. Le risque le plus évident à l’heure actuelle vient peut-être du paysage géopolitique compliqué.

Les attaques dans la péninsule arabique contraignent depuis plusieurs mois les pétroliers à faire un détour coûteux par la corne de l’Afrique. Le marché mondial s’est par conséquent fragmenté, dès lors que les opérateurs regroupent les expéditions vers des destinations géographiquement proches (par exemple, les importations américaines sont dirigées vers l’Europe et les exportations du Moyen-Orient vers l’Asie). Cette tendance va probablement s’intensifier avec la hausse de la demande de carburant à l’approche de l’hiver, une période durant laquelle les coûts de transport ont également tendance à augmenter. Cette fragmentation compliquera la réorientation de l’offre entre les régions en cas de panne sur un site d’exportation, d’augmentation soudaine de la demande ou d’événement imprévu, comme la récente sécheresse qui a impacté le fonctionnement du canal de Panama.

Il convient également de noter que les prix de gros du gaz européen sont encore près de deux fois plus élevés qu’avant la crise, ce qui a un impact sur la compétitivité des industries européennes très gourmandes en énergie. Paradoxalement, le récent fléchissement des prix de l’énergie s’explique par la faiblesse de la demande, due en partie à la crise énergétique elle-même. Un rebond de l’économie européenne, en particulier des puissances industrielles comme l’Allemagne, est dès lors susceptible de renforcer un cercle vicieux.

Source: Bloomberg, BIL

Enfin, une reprise de l’activité chinoise augurerait du retour d’un acheteur important sur le marché du GNL, ce qui pourrait également exercer une pression à la hausse sur les prix et mettre en évidence la dépendance de l’Europe à l’égard de sources plus onéreuses.

Une approche coordonnée

Pour l’instant, les mesures de fortune déployées par l’Europe pour faire face à la crise énergétique se sont révélées très efficaces, mais plusieurs années seront sans doute nécessaires pour parvenir à une solution définitive, à savoir une réduction du niveau et de la volatilité des prix de l’énergie sur les marchés de gros européens. Elle aura de multiples facettes et nécessitera des politiques coordonnées, l’UE s’appuyant pour ce faire sur sa force en tant que bloc économique.

Il pourrait s’agir, d’une part, de regrouper la demande et négocier des accords à long terme qui offrent aux fournisseurs un flux de revenus prévisibles, tout en garantissant la sécurité et l’accessibilité financière du gaz pour les pays européens. Il faudra, d’autre part, se concentrer sur l’augmentation de l’offre intérieure, très probablement par le biais d’un investissement accéléré dans les énergies alternatives.

[1] https://www.bruegel.org/dataset/european-natural-gas-demand-tracker#:~:text=Compared%20to%20the%20average%20across,the%20Baltic%20states%20and%20Finland.


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