Durant sa campagne, le président américain Donald Trump a assuré qu’il mettrait un terme à la guerre en Ukraine en 24 heures. Bien que cette promesse n’ait pas été tenue dans le délai annoncé, son administration a entamé des discussions avec les présidents Zelensky et Poutine au sujet d’un éventuel accord de paix, en commençant par un cessez-le-feu de 30 jours. À mesure que ces pourparlers progressent, les capitaux ont recommencé à affluer sur les marchés boursiers européens dans la perspective d’une paix future qui, comme l’espèrent les investisseurs, pourrait donner lieu à une reprise sur le Vieux Continent.
Impacts économiques potentiels d’un accord de paix
La guerre en Ukraine a profondément affecté les marchés européens, incitant les investisseurs à la prudence à l’égard de la région. Cette tendance a toutefois commencé à s’inverser, les marchés espérant que la fin de la guerre sera synonyme de:
- Rétablissement du commerce de l’énergie : La reprise des importations d’énergie en provenance de Russie pourrait faire baisser l’inflation et les prix du gaz, dopant ainsi le moral des consommateurs et les marges des entreprises.
- Réorientation de l’aide financière : La réduction de l’aide financière à l'Ukraine pourrait libérer des fonds pour augmenter les dépenses militaires en Europe.
- Assouplissement des sanctions : La levée des sanctions à l'encontre de la Russie pourrait permettre de nouvelles opportunités commerciales.
- Stimulation de la croissance économique : Les entreprises européennes sont susceptibles de jouer un rôle essentiel dans la reconstruction de l'Ukraine, ce qui pourrait stimuler la croissance sur l'ensemble du continent.
L’issue d'un éventuel accord de paix entre l'Ukraine et la Russie demeure toutefois très incertaine, d’autant plus que les conditions d'un cessez-le-feu n'ont pas encore été convenues, et encore moins celles d'un accord de paix.
Une réallocation des investissements au profit de la défense
Les événements récents ont servi de signal d'alarme à l’Europe, celle-ci ayant pris conscience qu’elle devait impérativement assumer une plus grande responsabilité vis-à-vis de sa propre sécurité. Les décideurs politiques n’ont ainsi pas tardé à prendre des mesures afin de libérer des centaines de milliards d'euros à affecter aux dépenses militaires.
Cette augmentation des dépenses dans le secteur de la défense pourrait apporter un soutien considérable aux industries européennes, en particulier dans les domaines de l'aérospatiale et de la défense, avec une envolée de la demande dans ces secteurs. L'activité récente sur les marchés boursiers européens reflète ces attentes. La cybersécurité pourrait également gagner en importance à mesure que l'Europe renforce ses capacités de défense.
Si un accord de paix est conclu, l'Europe pourrait réorienter les fonds jusque-là consacrés à l'aide à l'Ukraine vers le renforcement de ses propres capacités de défense. Selon Statista, les institutions de l'UE ont dépensé 52,1 milliards USD au titre de l'aide (militaire, financière et humanitaire) apportée à l'Ukraine entre le 24 janvier 2022 et le 31 décembre 2024. L’Allemagne a dépensé 18 milliards USD à elle seule. Un cessez-le-feu, suivi d'un accord de paix, pourrait permettre de réallouer les budgets au renforcement de la défense de l’Europe, un domaine dont le degré de priorité ne cesse de croître.
Mais les capitaux consacrés par l'Europe à la guerre en Ukraine ne se tariront pas du jour au lendemain. Selon les Nations unies, la reconstruction de l’Ukraine, à laquelle les nations européennes devront contribuer de manière significative, coûtera 524 milliards USD au cours de la prochaine décennie. Si cette situation offre des possibilités de croissance économique par le biais de contrats pour les entreprises européennes, en particulier dans le domaine de la construction et du génie civil, elle n’est pas dénuée de difficultés, en cela qu’elle risque de peser sur les finances publiques.
Le retour du gaz russe ?
L'optimisme du marché concernant un accord de paix est également alimenté par la reprise potentielle des importations de gaz russe. Depuis le début du conflit, les pays européens ont considérablement réduit leur dépendance à l'égard du gaz russe, l'UE s'étant fixé comme objectif non contraignant de mettre fin aux importations de gaz naturel en provenance de Russie d'ici 2027. Cependant, les perturbations causées par la guerre et les sanctions imposées ont entraîné une crise de l'énergie, laissant les entreprises européennes aux prises avec des coûts énergétiques en forte hausse par rapport à leurs homologues américaines et chinoises, ce qui a entamé leur compétitivité.
La perspective d'un rétablissement des flux de gaz russe est attrayante pour les industries qui ont pâti des coûts élevés de l'énergie, comme les producteurs d'acier et certains acteurs de l'industrie chimique. Toutefois, les pays européens ne sont pas tous aussi enclins à redevenir dépendants du gaz russe. Alors que quelques pays de l’UE pourraient reprendre les importations, d’autres pourraient hésiter à revenir aux niveaux de dépendance antérieurs à la guerre.
La fin du transport de gaz russe via l'Ukraine le Jour de l'An a marqué un tournant dans l'approvisionnement en gaz de l'Europe, signalant un déclin de l'influence de la Russie. Jusqu'alors, le gaz continuait d’être acheminé vers certains pays européens via les gazoducs ukrainiens, mais le refus de Kiev de renouveler l'accord de transit a entraîné un arrêt complet. Par conséquent, même si les pays européens exprimaient un intérêt en faveur de la reprise des importations, l'Ukraine pourrait être réticente à rouvrir ses pipelines, indépendamment d'un éventuel accord de paix.
Vers une levée des sanctions?
L’assouplissement potentiel des sanctions pourrait être utilisé comme monnaie d'échange pour parvenir à un accord de paix ou faire partie des conditions d'un tel accord. Cela dépend toutefois d’un grand nombre de facteurs.
Actuellement, les États-Unis semblent plus ouverts à cette possibilité que les pays du Vieux Continent. La Maison-Blanche a demandé aux départements d'État et du Trésor de préparer une liste de sanctions qui pourraient être négociées avec les responsables russes. Si les États-Unis passent à l’acte en assouplissant en effet les sanctions, il n’est pas encore sûr que l’Europe lui emboîterait le pas.
L’Europe à la croisée des chemins
Si la paix en Ukraine et la reconstruction qui s'ensuivra pouvaient largement favoriser l'Europe, il est toutefois possible que l'optimisme des marchés soit prématuré en ce qui concerne les issues potentielles et le moment où les retombées économiques se feront sentir. La région reste confrontée à d’importants défis, notamment l'absence de moteurs de croissance structurels. Les programmes de dépenses militaires profiteront aux entreprises européennes à court terme, mais des investissements colossaux dans les infrastructures, la numérisation et d'autres domaines critiques restent nécessaires pour une croissance durable à long terme et une forte reprise européenne. À court terme, les rebondissements dans les pourparlers de paix pourraient continuer de se traduire par une volatilité sur les marchés boursiers.