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novembre 5, 2024

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L’hiver arrive en Europe, deux ans après la crise énergétique

La crise énergétique de 2022 a révélé la vulnérabilité énergétique de l’Europe. De nombreux progrès ont été réalisés depuis, notamment en termes de baisse de la consommation de gaz et de dépendance à la Russie. Les ménages ont consenti d’importants efforts, mais il reste encore beaucoup à accomplir pour garantir la stabilité de l’offre énergétique à long terme.

Il y a deux ans, les ménages européens ont entamé l’hiver sans savoir s’ils parviendraient à chauffer correctement leur maison durant les mois les plus rudes. En 2021, la Russie représentait 44% des importations de gaz naturel de l’UE. L’invasion de l’Ukraine a contraint l’UE à trouver précipitamment de nouvelles solutions pour assurer l’approvisionnement en diversifiant l’offre, tout en réduisant rapidement la demande.

L’inflation des prix énergétiques a atteint un niveau record en mars 2022. Les ménages, tout comme les entreprises, ont été soumis à des pressions considérables partout en Europe. Cette situation a également mis en lumière les risques inhérents à la dépendance de l’Europe vis-à-vis d’autres pays, comme l’a récemment déploré Mario Draghi, ancien premier ministre italien et ex-président de la BCE, dans son rapport intitulé «L’avenir de la compétitivité de l’UE».

L’avènement du gaz naturel liquéfié (GNL)

Jusqu’à la crise énergétique de 2022, le gaz consommé par les pays européens était principalement acheminé de Russie par gazoducs. Face à la nécessité de diversifier l’approvisionnement, le gaz naturel liquéfié (GNL), via transport maritime, est devenu un élément crucial de la sécurité énergétique de l’Europe, remplaçant une large part des importations russes. En 2022, les États-Unis sont devenus le principal fournisseur de GNL de l’Europe. La Norvège, quant à elle, a détrôné la Russie en tant que principal fournisseur de gaz.

Selon le Parlement européen, au plus fort de la crise énergétique, plus de 41 millions d’Européens ne parvenaient pas à chauffer suffisamment leur maison. L’UE est intervenue pour aider les particuliers et les entreprises qui n’étaient pas en mesure de régler leurs factures d’énergie, mais elle a également dû s’atteler à une des principales causes de la hausse des prix: la demande. Les pays et les citoyens de l’UE ont été exhortés à réduire leur consommation de gaz, laquelle a, selon le Conseil européen, chuté de 18% dans la région entre août 2022 et mai 2024 par rapport aux cinq années précédentes.

Les modifications des comportements ont contribué à réduire la demande

En 2024, les ménages n’ont toujours pas renoué avec leurs niveaux de consommation antérieurs à la crise et, bien que leur volonté de changer leurs habitudes (soit volontairement, soit sous le coup des pressions financières) ait été indispensable pour réduire la demande, d’autres facteurs ont également joué un rôle. Une série d’hiver relativement clément a entraîné une réduction de l’énergie utilisée pour le chauffage des bâtiments. Par ailleurs, l’installation de trois millions de pompes à chaleur en 2022 a contribué à faire reculer la demande en gaz. Les autorités espèrent que l’évolution des habitudes de consommation ainsi que l’accent mis sur l’efficacité énergétique des bâtiments permettront de pérenniser la tendance à la baisse de la consommation en gaz ces prochaines années.

Lorsque les prix du gaz se sont envolés, les industries européennes à forte intensité énergétique ont dû mettre un frein à leur activité. Si les prix sont revenus à des niveaux plus acceptables, la demande industrielle n’a toujours pas retrouvé ses niveaux pré-crise. Le déclin de la production dans l’industrie (produits chimiques et produits métalliques, par exemple) fait écho à cette situation.

La baisse de la consommation énergétique depuis la crise est non seulement due au changement des habitudes des consommateurs, mais aussi à la baisse de l’activité économique. Une reprise de l’activité industrielle pourrait modifier l’orientation récente de la demande énergétique.

Changements sur le marché énergétique européen

Cette année, l’objectif de constitution à 90% des réserves de gaz de l’UE, seuil mis en place pour garantir une adéquation entre l’offre et la demande énergétique, a été atteint dix semaines avant la date butoir de novembre.

En août 2024, la part des importations de gaz russe dans le total des importations de gaz pour l’UE a chuté à 16%. Les douze nouveaux terminaux de GNL commandés entre 2022 et 2024 ont sans conteste contribué à ce recul. Bien que la demande globale en gaz ait sensiblement ralenti, avec un repli de 20% pour le GNL au premier semestre en Europe, les investissements dans les infrastructures de GNL restent indispensables pour épargner à l’Europe de futurs chocs de l’offre. Cela permettra également d’empêcher les entreprises à forte intensité énergétique de relocaliser leur production ailleurs en raison d’un approvisionnement instable. La Fédération des industries allemandes (BDI, Bundesverband der Deutschen Industrie) affirme qu’environ 20% de la création de valeur industrielle en Allemagne est menacée, citant parmi les principales raisons les prix élevés de l’énergie.

L’UE est par ailleurs passée à la vitesse supérieure en ce qui concerne le recours aux sources d’énergies renouvelables et produit davantage d’électricité à partir de l’éolien et du solaire qu’à partir de combustibles fossiles, dans une mesure plus importante que jamais. Selon la Commission européenne, l’électricité produite dans l’UE provenait à 46% d’énergies renouvelables, à 29% de combustibles fossiles et à 25% de l’énergie nucléaire au début de cette année.

Les ménages européens, en se détournant du gaz, ont alimenté la demande en électricité afin de chauffer leur logement. On l’a dit, le marché des pompes à chaleur a bondi en 2022. Cette tendance a toutefois faibli avec la baisse des prix du gaz en 2023 et l’augmentation du coût de la vie, rendant financièrement moins intéressant le passage à une pompe à chaleur électrique.

Si les prix de l’électricité sont orientés à la baisse en 2024, ils demeurent soumis à une volatilité certaine, particulièrement dans le sud de l’Europe. Un responsable du gouvernement grec, en référence aux attaques russes visant les infrastructures ukrainiennes, a déclaré: «Nous avons l’impression qu’il y a une mini-crise énergétique dont personne ne parle». Tandis que la dynamique de l’offre évolue en Europe, le besoin de capacités de l’UE pour partager l’offre entre ses pays membres a été mis en lumière.

Et ensuite?

La crise énergétique de 2022 a ouvert les yeux à l’Europe. D’importants progrès ont été réalisés pour remplacer les flux de gaz russe, stabiliser les prix de l’énergie et renforcer l’usage de sources d’énergies renouvelables. La transition en faveur des énergies renouvelables et le partage transfrontalier de l’offre au sein de l’UE seront indispensables pour assurer la sécurité de l’offre énergétique en Europe ces prochaines années. Il sera également crucial de poursuivre les efforts visant à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments européens afin que la demande en gaz demeure durablement faible. À plus long terme, l’avènement de l’IA et des maisons intelligentes capables de réguler leur propre système de chauffage pourraient un jour faire partie de la solution. À noter toutefois que l’IA devrait accroître considérablement l’utilisation en énergie. L’Agence internationale de l’énergie estime que la consommation mondiale en électricité issue des centres de données, de l’IA et des cryptomonnaies pourrait doubler en 2026 par rapport à 2022, augmentant la demande en électricité d’un volume correspondant à la consommation de l’Allemagne.

Il y a encore beaucoup à faire en dépit des importants progrès réalisés, et, bien que les prix de l’énergie aient sensiblement baissé, les entreprises de l’UE doivent toujours s’accommoder de coûts largement supérieurs à ceux en vigueur aux États-Unis pour l’électricité et le gaz naturel. Dans son rapport, Mario Draghi met en avant l’occasion à saisir pour l’Europe «de jouer un rôle de chef de file dans le domaine des nouvelles technologies propres et des solutions de circularité, mais aussi d’orienter la production d’électricité vers des sources d’énergie propres qui soient sûres et peu coûteuses» et dont l’UE regorge naturellement. Cela pourrait faire mal à court terme, mais être payant sur le long terme. Reste à voir si l’Europe adoptera pleinement les propositions avancées.

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